Carnet de route
le tour du Beaufortin (un premier séjour en montagne avec le CAF, juillet 2015)
Sortie : Haute Maurienne du 11/07/2015
Le 20/07/2015 par Laforgerie Marie-Françoise
C’est en septembre 2014, au refuge du Néouvielle, que j’ai croisé un couple de toulousains d’un âge très respectable qui m’ont donné l’idée de contacter le Caf; sans le chercher, ils forcèrent le respect des convives en évoquant avec plaisir leurs multiples ascensions et randonnées; les 3000 étaient leur passion mais ils m'assurèrent que les cafistes s’adaptaient aux capacités de chacun; sur leurs encouragements, je dépassai mes craintes face à mes représentations du Club Alpin Français, synonyme de grands sportifs entrainés.… et face à mes capacités physiques de sexagénaire en puissance… en prenant contact avec le Caf de Limoges pour randonner ! jusque là, je randonnai en famille, c'est à dire à un rythme adapté à chacun, et mon inquiétude dans un club était de freiner le groupe. Plusieurs sorties cet hiver, malgré la fatigue du lundi (quelquefois du mardi également….) m’ont fait apprécier les itinéraires et les découvertes (patrimoine, nature, sites) ainsi que l’esprit de camaraderie, d'échanges avec le plaisir de transmettre de la part des accompagnateurs comme des participants. La montagne sur plusieurs jours me faisait rêver et je passai par-dessus mes craintes et mes doutes (et si je ne peux plus avancer ?!?) pour m’embarquer sur le tour du Beaufortain en Juillet organisé par Olivier; je m’en réjouis encore car ce fut formidable !!!
Nous nous retrouvons tous les six à Albertville, le repas du soir nous permet de découvrir la ville médiévale et le dimanche matin, nous rejoignons en bus, via Queige, le Village de Hauteluce (1076m). C'est d'ici que nous commençons notre tour du Beaufortain; nous montons à travers les forêts et alpages vers la station des Saisies. Hauteluce s’éloigne au fond de la vallée, et voici les vaches paisibles et le son des cloches, les Alpes comme dans nos albums d’enfance (Heidi..). Premier piquenique au Mont Clocher (1976m); nous continuons jusqu'au mont de Vores (2067m), la vue est belle, à l’est sur la chaîne des Aravis et, récompense suprême, à notre droite, les glaciers du Mont Blanc qui apparaissent. Nous arrivons au refuge de La croix de Pierre (1973m) orné du drapeau de Savoie, dans l'après-midi, nous savourons le repos dans des chaises longues face a un panorama rêvé, à coté d’une yourte, laquelle dans ce paysage d’herbe rase sur fond de montagnes enneigées nous emmène encore plus loin ! Et c’est la première nuit en refuge; le repas dans la bonne humeur nous retape et nous parions à qui mieux mieux sur l’utilité de certains ustensiles décoratifs jusqu'à découvrir qu’un objet nordique peut avoir sa place sur les murs des chalets savoyards (les curieux peuvent demander des précisions aux membres du groupe!) J’enregistre que mes jambes marchent encore, que le souffle est court dans la montée et que le groupe présent et attentif me soutient. Advienne que pourra…
Le second jour, nous partons à travers les alpages ,les gentianes jaunes sont en pleine fleur, nous passons au col de La Croix de Pierre et croisons les installations mobiles pour la traite des Abondances et des Tarines. Olivier nous propose de prendre le chemin de crêtes, nous nous arrêtons à L’ Aiguille Croche (2500m) et nous continuons ce superbe sentier étroit avec des pentes bien affirmées, surtout à notre gauche où la piste d’atterrissage de l’aéroport de Megève apparait tout en bas. A notre droite , les glaciers du Mont Blanc se rapprochent, nous continuons toujours face à eux et nous passons deux sommets sur ce chemin de crête où des pierres plates en chaos nous permettent de nous asseoir pour nous restaurer et contempler ce panorama est grandiose (le Mont blanc sortant d une mer de nuages). Bernard nous décrit la fonte des glaciers. Les nuages planent autour et font ressortir la blancheur de la neige, au dessus le ciel est bleu, en bas ,la vallée avec les Contamines apparait avec netteté, c’est magnifique et ce chemin des crêtes nous assure la tranquillité. Nous descendrons vers le col du Joly au lieu de gravir le Mont Joly (par égard pour celle qui fatigue, merci encore !), la descente se fait à flanc de colline, hors sentier, les fleurs et les sources nous entourent et nous arrivons à la ferme communale du Joly, à l’ heure de la traite; discussion avec la fermière satisfaite de sa vie et de son métier, grâce aux AOC qui permettent de vendre le lait à un prix correct, nous dit -elle, celui-ci même qui servira au Beaufort et qu’elle nous donne à goûter; heureux de ce moment, nous gagnons le refuge de Roselette, auberge chaleureuse, entourée de roulottes, chevaux et tipi; délicieux et copieux repas agrémenté des connaissances d’ Olivier sur l’astringence du fromage ! Belle leçon, ça fait partie du plaisir d’être ensemble ! Superbe coucher de soleil sur les montagnes et sur le tipi où nous allons dormir tous les six après une soirée mémorable de mimes ,où certains ont découvert qu’une femme pouvait reconnaitre la pêche au lamparo ! (pour plus de détail ,même remarque que précédemment !) pour ma part, il me fut facile de mimer comment je souffle dans les montées, chacun a reconnu sans problème….
Le troisième jour le sentier serpente à travers les pâturages et nous admirons gentianes bleues, gentianes pourpres, linaigrettes, arnica, géraniums sauvages en grimpant au col du Bonhomme (2329 m) qui se trouve juste après le Tumulus des Femmes ! Nous passons un bon moment au soleil et poussons la détente jusqu'à faire quelques mouvements de qi gong pour respirer à pleins poumons ! Ici, quand, avant de rejoindre le refuge, nous montons vers le col des Fours, le minéral prend le dessus (la pierre, les plaques de glace…). La vue sur le dôme du Gouter et le Mont Blanc , proches à les toucher, dans cet environnement de pierre, est un grand moment. Nous aurons la chance de voir une famille de lagopèdes s’envoler lourdement ,le temps de les admirer.
Nous voici donc arrivés au refuge de la Croix du Bonhomme (2433m), vaste, avec un caractère encore différent des précédents. Chaque lieu d’ accueil est effectivement unique et reflète la personnalité de ceux qui y vivent. Ici ,les jeunes gardiens ont un look de musiciens des sixties et les guitares en nombre au dessus du comptoir laissent imaginer de belles soirées. Pour nous, ce fut la nature qui nous donna un orage grandiose, spectacle superbe depuis la terrasse (ciel bleu marine et soleil couchant qui projette de longues bandes rouges et lumineuses dans ces formes découpées et sauvages), très beau spectacle qui n’ empêche pas les parties de cartes !
Le quatrième jour, nous descendons (1000 m de dénivelé négatif) vers Les Chapieux , dans le parc naturel Contamines Montjoie , à travers d étranges reliefs creusés, ravinés par des ruisseaux encaissés dans d'énormes masses de pierre. De la bergerie où nous nous reposons après la descente, nous apercevons tout en haut de ces reliefs le refuge où nous étions et nous distinguons un important troupeau de moutons. Ensuite, nous retrouvons autour des chalets les sources, les eaux vives, et les massifs de fleurs mauves qui vont bien vite disparaître. Nous progressons dans une ambiance de plus en plus minérale,des dalles de pierres rouges et noires bordent le torrent ; c’est la combe de la Neuva, très belle vallée glaciaire. La roche a des couleurs vertes, ocres, roses qui évoquent les images du Ladakh. Les parois se reflètent dans les petits lacs ornés de linaigrettes, qui bordent le sentier et les 900m de dénivelé, en direction du col du Grand Fond (2671m) se font sérieusement sentir ! Avoir admirer le vol d’ un aigle qui plane sur toute la largeur de la falaise permet de reprendre souffle et courage. je reste pas à pas dans les traces de Bernard qui m’enseigne la vraie marche montagnarde dans les fortes pentes (faire de tous petits pas réguliers, se servir du moindre relief, avancer à son rythme, respirer à fond sur les plats et ne pas s’arrêter (c’est bien ça ?); et gare à celui qui fonce et me double en m’ obligeant à stopper dans l’effort… Je ne vous raconte pas les remontrances (le mot est faible !) qu’il a entendues ! (d’ ailleurs au col ,il avait disparu sans demander son reste !) et merci Bernard de ta patience et de tes convictions, ton aide fut précieuse ! Pendant cette magnifique mais difficile montée en ce qui me concerne, Olivier, bardé de cartes et de boussoles, fermait la marche, veillant sur son équipe et les trois filles, loin devant, mais toujours à vue comme des repères encourageants, Marie-Claire, Annick et Francine, elle aussi armée de cartes et autre matériel , avançaient sans effort ,tel des gazelles ! Au col, au moment du piquenique, ce sont les bouquetins qui nous observent !! En effet en haut du rocher vertical veiné de quartz qui nous protégeait du vent, apparurent deux cornes immobiles. Plusieurs bouquetins, paisibles, occupaient avec assurance leur territoire en toute quiétude, nous donnant le sentiment que nous n’étions que de passage dans leur domaine ! Très beau moment là encore d’autant que de l’autre côté du col apparaissait en contrebas le lac du Presset surplombé par la Pierra Menta, avec le refuge du Presset (2514m) à ses pieds; nous descendons vers le refuge dans cet environnement minéral de haute montagne, couleurs plutôt sombres, avec des dégradés de gris, des crêtes découpées, et des aiguilles rocheuses. Nous buvons un coup au refuge au milieu de cet environnement extraordinaire, et nous descendons vers le refuge de la Balme (2009m, à nouveau 500m de dénivelé négatif !!) où nous dormirons. Le gardien vit ici depuis longtemps , la soupe aux épinards sauvages fut un délice, et il nous fit profiter avec générosité de son expérience. Le lendemain matin, après de grande discussion avec plusieurs randonneur (cartes étalées, et paroles contradictoires échangées autour de l’itinéraire à prendre pour continuer notre cinquième jour), Olivier, prit la décision de suivre les conseils du gardien, et de partir à l'aventure. Ce fut une excellente idée. Nous remontons en direction du refuge du Presset et prenons à gauche, un sentier peu visible, qui passe rapidement dans des rochers et des éboulis… Nous cherchons les marques (points de peinture jaune se confondant avec la mousse des roches). Derrière nous, la brume monte des deux vallées, à mesure que nous nous élevons, c’est de plus en plus beau et devant nous, ce sont les étendues de pierres et les falaises qui les surplombent, austères, sauvages, découpées, et abruptes.
Et soudain, des formes apparaissent un peu partout. Sur les rochers devant nous, une harde de bouquetins, et aussi bien d’autres, un peu partout sur les falaises; les jeunes batifolent sur les roches hautes tandis que l’ancêtre veille sur la famille, d’ autres ruminent tranquillement au soleil, en maîtres des lieux. Nous les regarderons un long moment, avant de progresser dans ces amas de pierres en direction de la Pierra Menta, plus précisément au col des Tutus… Des amas rocheux et une brèche dans la falaise, avec derrière nous, la vallée et les brumes qui s'élèvent. A notre droite, la ligne de crête avec le dôme du Gouter; et devant nous, en contrebas, le lac de Roselend et le lac d Amour vert turquoise ! Quel passage magnifique ! Nous piqueniquons au lac d’ Amour, très bel endroit, et nous repartons, sur le sentier qui serpente jusqu'au col. La vue devient toute autre ! Après ces ambiances de pierre et de minéral, nous retrouvons des reliefs avec des pâturages, des vaches et des marmottes (sifflant à tue tête et se réchauffant au soleil). C’est la descente vers le refuge de La Coire (2059m) et son annexe, plus loin, au milieu des troupeaux. Là aussi, nous assisterons à la traite et nous entendrons même celle faite à l'aurore ! Cs soir là nous ferons nous mêmes le repas et nous goûterons le plaisir d’ être là. La soirée fut l’occasion d'une très belle rencontre. Celle de Victorin, 6 ans et de Lorène, sa maman. Nous les avions déjà croisés, sur des une portions de petite route, Lorène, sur un vélo hybride (électrique et manuel) qui tirait une carriole dans laquelle Victorin n’avait pas l’air de s’ennuyer ! Ils faisaient à leur façon le tour de Beaufortain. Passionné par l'architecture, Victorin nous fit part avec entrain de ses projets de constructions extraordinaires et de bien d’autres choses tout en jouant avec nous !
Au réveil, nous entendons et apercevons le troupeau de vaches au loin, sur un chemin vers une autre vallée, il change de pâturage. Nous passons le Cormet d'Arrèches, puis longeons le lac des Fées avant d’ arriver au lac de St Guérin, magnifique lac de barrage aux eaux turquoises, très étendu. Nous traversons par la passerelle et prenons le sentier qui monte vers le refuge de l’Alpage où nous piqueniquerons pour la dernière fois avec le Mont Blanc à l’ horizon. Le temps, très beau jusque là, se gâte, l’orage menace, l’ambiance change, la montagne devient plus austère et nous sommes contents d’ arriver au refuge des Arolles (1900m). Dans cette atmosphère orageuse, nous avons le temps de regarder l’horizon et avec ses jeux de lumière sur la Pierra Menta. Le ciel est vraiment magnifique ! Le refuge est coquet. Les tentes prévues pour notre hébergement ont heureusement été remplacées. Pour certains, par une petite cabane et les autres trouverons des places dans la pièce commune. Nous dînerons en échangeant avec un groupe de randonneurs de l’Est qui évoquera notamment l’histoire ouvrière de leur région. Encore de bons moments ce soir là avant une nuit d’orage dantesque !!!
Le départ de notre dernier jour commence dans une brume épaisse (elle finira par ce dissiper). Les 1839m de dénivelé négatif ainsi que les 400m positifs occupèrent bien nos pas. En ce qui me concerne, mon regard (plutôt tourné vers le sol) ne regretta pas trop le manque de visibilité sur la vallée de la Tarentaise…. Retour à Queige, puis Albertville où nous terminons le séjour face à la gare, dans un resto italien que nous vous recommandons (bonne cuisine, décontraction, chaleur italienne…). On serait bien resté plus longtemps pour fêter notre fin de randonnée !
Morale de l’ histoire: Dépasser ses préjugés et faire preuve d’audace permet de bien beaux moments en de bien bonne compagnie !
Marie-Françoise.
Â
