Carnet de route

Ce fut un jour de chance...

Le 10/09/2015 par brochet jean-marc

Ce fut un jour de chance...

 

L'été est là, les conditions estivales nous laissent un espoir de faire une des voies les plus emblématiques des Pyrénées française, la classique de la face nord du Vignemale.

L'anticyclone devrait nous protéger pour au moins 4 jours, David est disponible, mes enfants sont en vacances, toutes les conditions sont là pour que nous puissions réaliser ce rêve.

 

Dimanche 9 Août 2015, il est 5h quand David arrive, on charge la voiture et deux cafés après, nous voilà sur la route.

Les discutions vont bon train, les kilomètres aussi, le Pont d’Espagne nous attend pour le pique-nique.

Après une dernière vérification des sacs, jamais assez grands ou toujours trop remplis, nous partons pour le refuge des Oulettes de Gaube.

Alors que nos esprits sont déjà au pied la voie, nos jambes se chargent de nous mener à bon port. Tout est là, c'est un jour de chance...

Arrivé au refuge et après une petite sieste, nous partons pour faire la marche d'approche, observer le glacier et la veine d’ophite qui nous promet une grosse journée d'escalade.

Le dîner ainsi que la nuit se passe dans une ambiance très espagnole comme l'avait pressenti mon compagnon de cordée.

Lundi 10 Août 4h, c'est l'heure du petit déjeuner en tête à tête, la nuit est toujours là, le Vignemale aussi. Les frontales bien en place éclairent le sentier de la veille qui nous mène à sur la rive gauche du glacier des Oulettes. Une cordée venant du refuge de Baysselance se révèle dans les pentes de la rive droite.

Un bruit fracassant venant de nulle part traverse l'aube naissante sans altérer notre motivation. Nous rejoignons la cordée au pied du glacier où nous nous équipons. Je prends le temps de vérifier l'ensemble des règles de sécu (c'est mon coté Papa poule, on ne se refait pas) alors que nos compagnons sont déjà repartis comme des balles de fusil.

David prend en charge la cordée et leur emboîte le pas pour arriver au pied de la face 10 minutes après eux alors qu'ils redescendent pour trouver une autre attaque.

En effet la rimaye est trop large pour faire un pas et trop étroite pour y descendre. Les différentes options nous laissent dubitatifs à la vue du guidosse renonçant à sa première longueur qu'il avait choisi pour amener son client.

Les tergiversations et les palabres ont transformé notre essai en but mais il y a toujours un plan B dans le casque d'un alpiniste. Après avoir pris quelques infos complémentaires auprès du guide et de son client Casfiste de Nantes, nous voilà partis pour la course que nous avions prévu pour le lendemain, l'éperon Nord du petit Vignemale (de même difficulté et moindre ampleur).

David en premier de cordée revient sur nos traces mais la longueur de corde me semble pas suffisamment longue pour assurer notre sécurité; je l’interpelle afin qu'il en rajoute 5 à 6 m. Nous évoluons sur le glacier ouvert quand le frère jumeaux du bruit fracassant matinal se fait entendre. Nous nous tournons vers la face comme de bons gaulois pensant que le ciel nous tombait sur la tête.

Mais le cri de David confirme la sensation de lévitation que je ressens. Le sol vient de céder sous mon poids et m’entraîne dans un chaos de glace. La corde que David maintient tendue pendant que je me débats pour rester en surface me permet d'échouer sur le bord du glacier encore en état.

Les pieds dans le vide et de grosses douleurs sur le flanc gauche n'ont pas eu raison de l’instinct de survie qui vient de surgir de je ne sais où. Je sors de cette entrave tant bien que mal en gueulant à mon compagnon de rejoindre les rochers à 30m de là.

A peine arrivé sur ceux-ci, le cadet finissait le travail de ces frangins en brisant la glace qui nous avait permis de nous mettre à l'abri.

 

Le baptême d'hélico passant au dessus du glacier me permit de voir l'énorme plaie que nous avions provoqué sur ce glacier en grande souffrance et en voie disparition.

Les insomnies et les ecchymoses qui m'ont accompagné durant les jours suivants m'ont convaincu que ce fut un jour de chance.

 

Jean-Marc







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